Portrait de famille. La mémoire dans la peau
Tout a commencé lors de mon dernier voyage en Argentine. Je fus alors surpris de découvrir des dizaines des boites de diapositives retraçant l’histoire de ma famille et qui ont été faites par mon père. Pas d’un point de vue historique, mais comme l’homme a toujours fait, pour garder des traces des moments agréables de sa vie.
En regardant l’ensemble, j’ai remis en place certains de mes souvenirs, dans le contexte de l’époque. J’ai été surpris de voir que certains souvenirs correspondaient fidèlement à certains clichés, comme si je les avais pris moi-même mais, pour d’autres c’était le néant complet.
Le plus troublant de cette histoire est que personne dans la famille n’avait gardé le même souvenir du même moment et moi, loin de ma famille j’avais transformé ou effacé une grand partie de ces souvenirs, plus que ceux qui étaient restés en Argentine.
Mes souvenirs à moi ressemblent beaucoup à ces diapositives, effacées, délavées et craquelées, à la fois troublantes et dérangeantes mais aussi rassurantes : tout cela avait bien existé. Mes racines étaient là.
Je me suis alors rendu compte qu’il n’était pas important de garder mes souvenirs intacts et figés car ils changent et évoluent à l’infini, dans l’extraordinaire dynamique de notre mémoire.
« Par contre ce que j’ai compris c’est qu’ils ne vont jamais me quitter. C’est comme un tatouage qui est toujours là mais qui se déforme avec le temps : ils évoluent avec mon corps et mon âge. Et même si j’essaye de les oublier dans une volonté d’assimilation culturelle avec mon pays d’accueil, la France, jamais ils ne me quitteront. »
C’est en l’honneur de tous ces souvenirs, ou plutôt « à cause d’eux », de leur capacité à revenir et se transformer que j’ai commencé ce projet photographique.